Carole Thibaud

Projectionniste, cinéaste et photographe autodidacte, je passe le plus clair de mon temps dans l’obscurité de laboratoires artisanaux de développement de film, à explorer le champ infini de l’image argentique, qui me fascine. Je réalise des performances de cinéma, des projets photographiques, des films expérimentaux, documentaires et musicaux, j’anime des ateliers et je travaille parfois pour le spectacle vivant.

« J’aime la lumière, la matière, le grain, l’image instable, fragile, éblouissante. Le contrejour, le décadré, le faux raccord. L’image brute, le montage aléatoire, la répétition intense, l’immersion dans l’image et le son. J’aime filmer le mouvement, en faire une musique. J’aime mettre les mains dans la chimie, j’aime la mécanique des vieilles machines de laboratoire et de cinéma. J’aime l’improvisation, le croisement des disciplines, le travail collectif. J’aime toujours être en apprentissage. »

http://carolethibaud.com

Installée au cœur de la Station Biologique de Roscoff pour une série de résidences de création entre octobre 2018 et juillet 2019, Carole Thibaud y a fait revivre le laboratoire photo argentique pour réaliser les images de son projet Cristaux Liquides. Des tirages réalisés sans appareil de prise de vue : les organismes translucides, endormis puis placés sur la plaque de l’agrandisseur, font office de négatif ou sont posés directement sur le papier photosensible ; les images obtenues sont donc uniques, impossibles à reproduire.

Cristaux liquides

Notre rencontre avec l’animal s’accompagne simultanément d’un sentiment puissant où est à l’oeuvre quelque chose qui s’apparente à l’étonnement de l’enfant ; nous rencontrons les plantes et les animaux avec stupeur ou effroi, avec de la joie, mais aussi avec un respect sacré. Nous n’avons pas devant nous des êtres dont un jour, après-demain, dans des années ou dans des décennies, nous percerons un jour la manière d’être ; autour de nous existent des formes de vie grandes et petites dans lesquelles se sont réalisées d’autres possibilités du vivant qu’en nous, êtres humains.

ADOLF PORTMANN, La Forme animale, 1948

Avec pour matière première des créatures d’une taille parfois si infime qu’elle rend leur observation difficile à l’oeil nu, Carole Thibaud offre aux regards un monde qui bouscule les rapports d’échelle. Comme d’autres avant elle, au rang desquels figure l’illustre Jean Painlevé qui officia un temps au sein de cette même station de recherche, elle sublime l’infiniment petit et renverse les proportions.

Entre septembre 2019 et juillet 2020 l’exposition Cristaux Liquides a circulé entre Roscoff, Paris, Bourges et Laval. Une sélection de tirages se retrouvent également dans l’ouvrage Lumières Animales, accompagnées d’un texte de Muon (Editions WARM). Ces résidences ont également donné lieu à une performance de cinéma élargi, Equinode. Des projecteurs 16mm, des boucles d’images et de sons, des micros, du verre et de l’eau. A travers un mélange d’images et de textures, un cadre trouble et mouvant, un jeu sur les proportions, une musique des profondeurs, Equinode invite à une expérience immersive, mystérieuse et inquiétante, une poésie aquatique, une plongée dans les abysses.

Equinode donne à éprouver, interroger, sonder notre existence parmi une multitude de créatures qui nous entourent, nous constituent même, et dont nous nous soucions peu.

Cristaux Liquides donne à voir le minuscule, redonne forme et grâce à l’informe et au turpide, réfléchit sur notre place parmi les 8,7 millions d’espèces qui peuplent la terre, les 2,2 millions d’espèces vivant en milieu aquatique, les 27 500 espèces d’algues, de diatomées et de moisissures d’eau…

Echantillon de plancton dans boîte de Petri
Tirage 23 x 23 encadré – Photogramme

Photogramme : la boîte de Petri contenant le plancton a été placée sur le papier photosensible et éclairée une dizaine de secondes

Larve phyllosome de Palinurus elephas (Fabricius, 1787)
(Arthropoda, Crustacea, Decapoda, Palinuridae) commun : langouste – env. 1cm

Radiophotographie, tirage 10 x 15 encadré